07 octobre 2007

 

Victor Hugo , Les contemplations (extrait).

Après l’abbé Tuet, je maudissais Bezout ;

Car, outre les pensums où l’esprit se dissout,

J’étais alors en proie à la mathématique.

Temps sombre ! Enfant ému du frisson poétique,

Pauvre oiseau qui heurtais du crâne mes barreaux,

On me livrait tout vif aux chiffres, noirs bourreaux ;

On me faisait de force ingurgiter l’algèbre ;

On me liait au fond d’un Boisbertrand funèbre ;

On me tordait, depuis les ailes jusqu’au bec,

Sur l’affreux chevalet des X et des Y;

Hélas ! on me fourrait sous les os maxillaires

Le théorème orné de tous ses corollaires ;

Et je me débattais, lugubre patient

Du diviseur prêtant main-forte au quotient.

De là mes cris. [...]

Un jour, quand l’homme sera sage,

Lorsqu’on instruira plus les oiseaux par la cage,

Quand les sociétés difformes sentiront

Dans l’enfant mieux compris se redresser leur front,

Que, des libres essors ayant sondé les règles,

On connaîtra la loi de croissance des aigles,

Et que le plein midi rayonnera pour tous,

Savoir étant sublime, apprendre sera doux.

Alors, tout en laissant au sommet des études

Les grands livres latins et grecs, ces solitudes

Où l’éclair gronde, où luit la mer, où l’astre rit,

Et qu’emplissent les vents immenses de l’esprit,

C’est en les pénétrant d’explication tendre,

En les faisant aimer, qu’on les fera comprendre. [...]

Alors, le jeune esprit et le jeune regard

Se lèveront avec une clarté sereine

Vers la science auguste, aimable et souveraine …

Les contemplations, Livre I (Extrait).

Victor Hugo (mai 1831)

Libellés :


Comments: Enregistrer un commentaire

Links to this post:

Créer un lien



<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?